Courant d'Air

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Janvier 2011

Pointe Suzanne, les pups !

19 et 20 Janvier.
Manip « coup de main » à Nory et Jeanny au programme d’étude des mammifères marins et notamment des otaries.

Le but de la manip est de récupérer la balise de la dernière mère suivie dont le petit attend l’arrivée depuis 15 jours.


Partout des têtes noires poilues sortent de l’Acaena.

Des immenses yeux ronds, noirs, mouillants…Les Pup’s !

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Ils braillent. Ils dorment. Ils renversent la tête en te fixant leurs yeux liquides.

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Tous dans l’attente de retrouver leur mère partie se nourrir en mer.

Celles qui sont revenues nourrissent leur petit quelques jours puis repartent dès que le mâle du harem a le dos tourné.

Les cadavres sans yeux prouvent que l’attente est parfois trop longue.

Quelques pétrels géants slaloment entre les corps poilus et tapotent du bec ceux qui dorment afin de s’assurer de la vivacité de la viande. Ils s’éloignent gauchement, déçu, quand le petit est bien vivant.

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Finalement, le lendemain matin, dès les premiers pas dans la colonie, on trouve la mère qui porte la balise près de son petit. Il aura prit 1,2 kilo en une seule nuit. On ne sera pas trop de 5 pour la capturer et prendre les mesures.

Les otaries, on les mesure comme Nory le montre très bien sur cette photo : (Sur la photo, c’est pas une vraie otarie mais David, Ornitho de la réserve)

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Et le tour de la pesée des pups.

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(Jennifer, campagnarde d’été sur les pups)

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Et les papous au pied de la cabane…

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Et, il faut le savoir, le manchot papou a un faible pour les bâtons de randonnées bleu Queshua (ils le disent jamais ça à Décathlon). Attention donc, ils ne le rendent pas facilement.

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Nory me colle dans les mains un bébé lapin sur le retour…C’est pourtant bien connu, les Ecobio détestent ces espèces introduites qui adorent le chou…!

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Guillou, savez vous compter les choux.

A la mode de Ker, c’est à dire avec les chaussettes roses dans les tongs (la rare paire (hélas) qui n’a pas été cramée par le radian, pour ceux qui suivent) et des boules d’Acaena accrochées partout.

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Accoutré de la sorte, tu t’armes d’un mètre pliant et du plan de l’île qui répertorie les centaines de choux marqués dans des cases précisées par des chiffres et des lettres. Bataille navale : en A6b, tu as le 2116789 par exemple avec 2 hampes florales. Si tu le trouve sur le terrain c’est Touché coulé, tu le mesure !

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Pour l’histoire, en 1994 les lapins sont éliminés de cette île du Golfe du Morbihan (celui du Sud !). Depuis ce temps là les choux repoussent sur Guillou. On étudie donc avec cette bataille navale grandeur nature la reconquête de l’île par la végétation : le chou mais aussi l’azorelle. Et la conquête faiblie…forte mortalité des germinations et des pieds mères. Le facteur principal serait le déficit hydrique estival observé maintenant depuis plusieurs années. Le réchauffement climatique se lit sur les feuilles de choux de Kerguelen…

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(Ecorce de vieux chou, Pringlea antiscorbutica)

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(Lise, Ecobio 60ème, en prise de mesure)

Et les particularités de Guillou…
…avec son mobilier très « cétacé ».

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…Et même des toilettes…Et quelles toilettes ! Réputées les plus belles du Golfe !

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(Vue de la cabane sur les îles Australia et Longue.)

Rallier du Baty. Mortadelle. Glacier Cook.

10 janvier

Retour sur PAF comme une nouvelle arrivée. Les yeux agrandis. J’ouvre mon carnet pour dérouler les 3 dernières semaines. …

22 décembre

A bord de la Curieuse.
Sourires des malgaches. Odeur du poivre et des frites qu'ils serviront ce soir. Les épluchures des pommes de terre voguent dans le sillage du bateau. Les pétrels géants suivent en une hiérarchie serrée qui commence sous le hublot. Autour, les îles défilent, Cimetière, Chat dans la route vers Baie Larose. L'horizon est surréaliste. On s'étonne de ces immenses panneaux de décors superposés à l'horizon dans des gris bleutés.

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(Pont de la Curieuse)

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(Pétrels géants derrière le bateau)

Deux dauphins de Commerson tour à tour à babord puis à tribord.

Dans la nuit on sort du golfe, la mer se gonfle. Couchette direct…

Alternativement on est scotché au lit puis en lévitation au dessus. Les tripes aussi !

Je commence « Aventures aux Kerguelen » de Rallier du Baty que je trouve dans le bateau alors qu’on navigue vers la péninsule qui porte son nom.

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(La Curieuse au mouillage Baie de la Mouche, Rallier du Baty)

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(Coucher de soleil de la Curieuse, Rallier du Baty)

23 décembre

Les reliefs tout autour dans les brumes. Air frais, odeur terreuse. Baie de la mouche. La mer calmée, le zodiac nous dépose. Baie suintante, molletonnée d'épaisses couches de mousses et d'azorelle. Plage de sable noir. Ronflements en écho des elephs. On prospecte. On décrit. On observe la végétation.

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(Clément en pleine fiche habitat)

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On remonte le soir à bord. Avec notre hélice qui n’a plus que 2 palles, on tombe en rade d’essence…Je me marre bien de voir Lala notre Bosco et Yannick ramer alors qu’on recule à mesure…La Curieuse remet les moteurs et nous rejoint finalement…

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(Zodiac pour rejoindre la terre. Photo de Clément QUETEL)

24 décembre

Baie de la Mouche pour terminer les prospections et pousser un peu plus dans les terres. On note la présence de certaines espèces envahissantes comme Poa annua, quelques Cerastium ou encore des pucerons. Pour la première fois je vois Calycopteryx moseleyi, une petite mouche aptère qui vit essentiellement dans le chou de Kerguelen. La météo mythique de l'ouest de l'île se dévoile : on rentre les os trempés après 8 heures de marche.

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(Calycopteryx dans le chou de Kerguelen)

La veille de Noël passe avec une assiette de spaghettis tièdes et du gruyère pas décongelé. A 22h tout le monde est dans sa banette. Décallage !

25 décembre

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(Vue de la Curieuse au matin, panorama de Clément QUETEL)

Le lendemain matin est plus dans le thème. Dehors en noir et blanc, il neige. Je trouve un petit paquet dans ma gore tex. Je remercie Marc au petit dej en un passage furtif, je file avec mon sac poubelle de 30 litres dans ma bannette. Clem me réveille pour me dire qu'on ne peut pas être déposés Vallée des Sables, trop de mer.

J'émerge vers midi, autour ça s’est calmé. Yann et Romu de la log de l'ipev sortent le yaourt lyophilisé aux myrtilles pour fêter ce matin de Noël…Idéal pour garder la nausée toute la journée ! Finalement on peut être déposés l’après midi Vallée de la Mouche pour pousser au Nord vers la vallée des Contacts.

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(Vallée des contacts, panorama de Clément Quetel)

Immense plaine désertique de galets. Vent glacial. Grains neigeux. Trois manchots dans ce désert nous regardent passer.

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(Plage de choux)

26 décembre

On descend Anse du Gros ventre. Il y a des années, on prenait possession de Ker ici. Il reste encore quelque part la bouteille de possession de l’île laissée par Yves de Kerguelen.

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(Anse du Gros Ventre)

On marche entre les cours d’eau. On y jette en passant quelques cailloux…Ils flottent ! La découverte des pierres ponces... ! On arrête plus d'en jeter à l'eau. On en ramène sur le bateau le soir pour gagner des paris.
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(Désert de pierres ponces)

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(Poussins de skuas, photo de Clement Quetel)

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(Manchots Anse du gros Ventre)


Derniers pas sur Rallier du Baty.

Un immense arc en ciel encadre tout le panorama derrière nous. Des groupes de manchots nous croisent hautains. Deux jeunes otaries à fourrure.

On quitte Rallier éblouis.

27 décembre

Plaine Ampère. Enfin on quitte la Curieuse pour de bon.

On rejoint, Clem Marc et moi les 3 glaciologues jusqu’à la cabane de Mortadelle qui domine le front du glacier Ampère, langue de l’immense calotte Cook.

J'ai un sac énorme. 4 heures de marche et rien à l'horizon. Brouillard opaque. Pluie cinglante.

On avance les yeux plissés et les mains glacées dans ces brumes d'où sort juste une rivière bouillonnante.

On doit traverser 2 bras comme celui ci.

Pendant deux heures on la remonte pour trouver un passage ou le courant faiblit. Rien. On décide de redescendre vers la plage finalement pour forcer le passage au plus large de la rivière.

On me prend mon sac et on s'aligne de front en se tenant les bras. Très vite mes pieds sont emportés, les 2 épaules qui me soulèvent me déposent sur l'autre rive de l'eau glacée plein les bottes ! Vent de face glacial.
Encore 2 heures de marche. L'autre bras de la rivière se traverse encordé à un câble qui passe de part et d'autre. Le flux est puissant. A peine au milieu je suis balayée par le courant, grand merci aux glacios de l’autre rive qui me ramènent en tirant les cordages à bout de bras…!

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(Clem avant la traversée, de l’autre côté les 3 glacios nous récupèrent.)

Je sens qu’il me reste une moitié de corps, plus rien sous les hanches ! Encore une heure jusqu'à la cabane. Une heure qui a bien duré 3 jours. J'ai de la bouillie de clavicules et d'humérus sur les épaules…
Mais les 2 arbecs rouges sont là, énormes, solidement accrochés…Et la vue vaut bien tout ça.

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(Les 2 Arbecs de Mortadelle)

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(La vue de l’Arvec sur toute la plaine Ampère)

Contraste. La cabane est chaude et embuée. Grande avec une deuxième à côté pour le matériel et les touques de vivres. Les gars me servent un thé brulant et une omelette de légumes avec le frais donné par la Curieuse. De l'intérieur l'extérieur semble chaotique dès que le vent forcit. On tient la porte à 2 quand quelqu'un sort pour ne pas qu’elle s’arrache.

On est en pleine moraine glacière. Chaos minéral. Roches volcaniques incrustées de géodes. Des rocs encore entiers tout fissurés de gel. D'une pichenette on peut tout écrouler. Partout des veines de quartz dans la roche sombre. Des lichens, des mousses, de l’azorelle en boules agrippées à la roche.

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(Boule de Bryophyte.)

Le glacier blanc et sale s'étend derrière nous. Il pointe entre les pics des montagnes, tout près. En bas, des glaçons gigantesques fondent en se creusant en nappes.

Des lenticulaires énormes se forment lisses et aux contours nets quand le ciel se libère. Les fuligineux volent en duos synchrones au dessus de nos têtes dès qu’on approche des falaises. Grandiose.

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(Lenticulaires)

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(Una langue du glacier vue des arbecs)

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(Glaçon fondant)

Du 28 au 9 janvier. Mortadelle avec les arbecs et le Cube rouge près du glacier.

En vrac : la vie dans les arbecs. Le boulot. Le glacier.

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(Vue des arbecs sur la plaine Ampère)

Les nuits en cabanes sont fraiches et animées des ronflements et des grincements du vent (et de certains dont je tairais poliment le nom). Si fort des fois que ça noue les tripes. Tu te répète inlassablement : « Depuis 30 ans elles tiennent, elle vont pas s’envoler ce soir… ».

On a un radian pour se chauffer et faire sécher les chaussettes. Et des fois bien sûr, ça crame. Moi c’était à 13h36 comme la photo le prouve. Plus que 3 paires pour 15 jours.

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Quand on peut pas sortir dehors à cause du temps, on fait des journées dites « pourriture » c’est à dire qu’on reste cantonnée à la cabane la journée entière. Comme la cabane est très humide, pourriture est un terme assez bien adapté.

On fait du pain, du crochet, on épluche des patates et on bouquine près du radian. Il y a des vieux Géo aussi dans lesquels on peut apprendre sur les cellules luminescentes à fluorophores des champignons luminescents et sur les mathématiques dodécaphoniques de Von Schoenberg.

Je fais du pain d’épices à la marmelade d’orange amère et gingembre, Clem du pain chocolat-gingembre et on boit du thé vert - gingembre brulant à longueur de jour.

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(Marc et Clem)

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(Clem au crochet)

On fête les 55 ans de Marc avec un ciel en cumulus rosés (dans les verres, pareil).

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(Apéro pour les 55 ans de Marc)



Et le cube rouge.

A moins de 2 heures de marche des arbecs de Mortadelle on peut grimper jusqu’à un cube rouge déposé pour les glaciologues tout près du glacier. On y va pour étudier la flore qui repousse où les glaces ont fondues.

Dans la petite cabane du cube rouge, un seul peut tenir debout à la fois. Sur cette photo c’est au tour de Clem.

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(Cabane du cube rouge)

Et là bas, on mange des lyoph…Tu mets l’eau bouillante, tu ferme, tu attends et tu ouvres…des fois c’est magique, d’autres fois moins.

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Et des fois ça arrive. Grand ciel bleu ! ça se fête à la terrasse du café du coin comme on le voit très bien ici :

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(Apéro au soleil au cube rouge. Photo de Clement Quetel)

A ce moment là on avait bossé toute la matinée sous la flotte. Alors bien sur quand on a arrêté, gelés et trempés, le ciel s’est évaporé pour un grand bleu indécent. Marc négociait pourtant chaque soir avec les éléments. Il a été vexé plus d’une fois. Heureusement les glacios ne lui ont pas soufflé l’idée de sacrifier la seule fille des environs pour calmer les nuages.

Et sur notre travail c’était principalement ça :

Des lignes de quadrats que l’on enchaine genoux à terre et nez dans les gravats à dénicher les plantules…On compte, on mesure, on détermine chaque bout de feuille qui se montre entre les cailloux.

Il y a quelques années le glacier recouvrait encore ces moraines. Aujourd’hui il faut plusieurs heures de marche pour arriver au front des glaces. Réchauffement global dans ce bout du monde pourtant bien froid. On étudie la recolonisation par la végétation et la part des espèces envahissantes.

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(Marine, Clem et Marc en lecture de quadrats !)

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(Données du terrain…)

Et, toujours le nez par terre on cherche les insectes et les escargots !

Une seule espèce ici : Notodiscus hookeri. Mensuration : 2 mm de diamètre (pour les plus gros).

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(Clem en pleine prospection malacologique)

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(Notodiscus hookeri)




Un soir on monte toucher le glacier.

Des glaçons de plus en plus nombreux à l’approche.

On goute les tardigrades.

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(Un glaçon. Photo Clément QUETEL)

On trouve une cavité immense. Un bleu parcouru de reflets tremblants.
Des gouttes tombent de partout, glaciales. Elles paralysent la langue.

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(Cavité dans le glacier, photo Clément QUETEL)



Une autre fois, on grimpe pour apprécier la calotte.

A perte de vue le glacier emprisonne les montagnes.

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(La calotte Cook)

A perte de vue de la glace. Lacérée. Lisse. Noire. Grise. Striée. Trouée.

Tout est figé.

Au dessus les nuages défilent en accéléré.

Les derniers jours, il neige des étoiles épaisses et piquantes.

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(Neige en étoiles à 6 branches)

9 janvier 2010
5 h du matin.

Jour de départ vers PAF. La Curieuse nous attend au bout de la plaine Ampère. La neige cinglante, vent de face empêche de se retourner sur ce qu’on quitte. Tout est tout de suite absorbé dans les vapeurs.

Les deux équipes ECOBIO et Glaciologues de droite à gauche : Clem et Marc puis Vincent, Daniel, Vincent et moi.

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(Equipe des Ecobio et des glacio avant le départ de Motadelle.)


On quitte Mortadelle à reculons.